Apprendre qu’une succession comporte des dettes fait peur. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des leviers simples pour éviter de “payer pour tout”, tout en gardant la main sur les démarches. L’idée centrale est double: ne pas accepter la succession par inadvertance et, si vous optez pour l’accepter, le faire en limitant strictement votre responsabilité.
Article 784 du Code civil (extrait)
« Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier. […] Sont réputés purement conservatoires : 1° Le paiement des frais funéraires […] des impôts dus par le défunt […] dont le règlement est urgent ; […] 3° L'acte destiné à éviter l'aggravation du passif successoral. »
Autrement dit, vous pouvez traiter l’urgence (factures indispensables, frais d’obsèques, mesures pour éviter que la dette s’aggrave) sans « accepter » la succession.
Voici ce que vous pouvez faire immédiatement, sans vous engager au-delà du raisonnable.
| Ce que vous pouvez faire | Conditions à respecter (Article 784 du Code civil) |
|---|---|
| Payer les frais d’obsèques, impôts ou loyers urgents | Ne pas se présenter comme « héritier » et conserver les justificatifs |
| Éviter l’aggravation du passif (sécuriser un bien, stopper des pénalités) | Agir strictement pour préserver l’actif, pas pour en disposer |
| Encaisser des revenus ou vendre des biens périssables | Justifier de l’emploi des fonds pour éteindre les dettes urgentes, ou déposer les fonds chez un notaire / en consignation |
Si vous devez aller au-delà de ces actes conservatoires, une autorisation du juge peut être requise (même article 784).
C’est l’outil juridique clé lorsque la succession est incertaine ou déficitaire.
Article 791 du Code civil (extrait)
« L'acceptation à concurrence de l'actif net donne à l'héritier l'avantage : 1° D'éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession ; […] 3° De n'être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis. »
Concrètement, vos biens personnels sont protégés: vous ne paierez les dettes successorales qu’à hauteur de ce que vous recevez. C’est une manière efficace de dire « oui, mais dans une limite claire ». Respecter les formalités propres à cette option est essentiel pour conserver sa protection.
À l’inverse, en cas d’irrégularité pouvant entraîner une déchéance, la loi rappelle que les créanciers gardent des droits sur certains biens successoraux:
Article 802 du Code civil (extrait)
« […] les créanciers successoraux […] conservent l'exclusivité des poursuites sur les biens mentionnés au premier alinéa de l'article 798. »
Les créances publiques (impôts, taxes, amendes) obéissent à une procédure encadrée.
Article L257 du Livre des procédures fiscales (extraits)
« Les comptables publics peuvent notifier au redevable une mise en demeure de payer […] La notification de la mise en demeure de payer interrompt la prescription […]. Lorsqu'une saisie-vente est diligentée, la notification de la mise en demeure de payer tient lieu de commandement […]. »
Article R221-7 du Code des procédures civiles d'exécution (extrait)
« Pour les créances recouvrées par les comptables publics, la saisie-vente est précédée d'un commandement de payer ou de la mise en demeure de payer prévue par l'article L. 257 […]. »
Si vous n’avez pas accepté la succession (ou si vous avez accepté à concurrence de l’actif net), réagissez vite en contestant toute poursuite dirigée contre vos biens personnels et en exigeant le décompte et le titre de la créance. Notre outil vous guide pour formuler une réponse solide et documentée.
Toutes les dettes ne sont pas traitées de la même façon pour l’impôt de succession.
Article 775 bis du Code général des impôts (extrait)
« Sont déductibles, pour leur valeur nominale, de l'actif de succession les rentes et indemnités versées ou dues au défunt en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie. »
Article 774 bis du Code général des impôts (extrait)
« Ne sont pas déductibles de l'actif successoral les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit. »
Article 1965 A du Code général des impôts (extrait)
« Les héritiers […] sont admis, dans le délai fixé à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, à réclamer […] la déduction des dettes […] postérieure à la déclaration et à obtenir le remboursement des droits qu'ils auraient payés en trop. »
Pensez aussi aux formalités de dépôt: la déclaration de succession se fait via le formulaire fixé par l’administration ou en ligne.
Article 281 O du Code général des impôts, annexe III (extrait)
« L'obligation déclarative […] est accomplie par la souscription […] d'un formulaire conforme au modèle fixé par l'administration […]. [Elle] peut être […] par voie dématérialisée […]. »
Article 33 du Décret n°55-22 du 4 janvier 1955 (extrait)
« Pour les attestations notariées, quatre mois à dater du jour où le notaire a été requis. La responsabilité des successibles peut être engagée […] si le notaire est requis plus de six mois après le décès […]. »
Ne tardez pas à requérir le notaire pour l’attestation immobilière, surtout en présence de dettes: l’inaction peut vous être reprochée.
En cas d’héritage avec dettes, la stratégie gagnante est d’agir vite, mais dans un cadre sécurisé. Les textes vous protègent: servez-vous-en, et outillez chaque étape pour limiter les risques.